Comme chaque semaine, le Tryangle vous fait découvrir une page facebook ou un blog qui mérite votre like.
Le net est-il un bric-à-brac ? Un joyeux bordel ? Un foutoir ? Peut-être. Mais l’homme doit faire face au chaos et exercer sur lui sa force de concentration et de curiosité avec méthode et fantaisie comme le soulignait Oscar Wilde, “si la vie réelle est un chaos, en revanche, une terrible logique gouverne l’imagination”. Face à l’infobésité©, un nouveau Zen apparaît : un enthousiasme de blogueur, de passionnée inconstant, d’insomniaque bourreau de travail qui consacre sa vie nocturne à une inlassable quête de savoir.
Telle est Centrifugue, inclassable blog qui reflète l’insatiable appétit de son créateur, Gwendal. Blogueur et artiste, celui-ci a accepté de répondre aux questions du Tryangle, plutôt Centripète quant à lui. A découvrir d’urgence. tTous les visuels de cet article sont de Gwendal qui, après avoir dressé une carte de toutes les influences du discordianisme, a décidé de faire des reproductions en pixel art des Galettes de Pont-Aven et du Sacré Graal des Monthy-Python…
Qu’est-ce que Centrifugue ?
Vaste et complexe question ! Pour faire simple, c’est un site dont la mission (à sa modeste échelle) est d’explorer les périphéries culturelles. Et de donner au lecteur des pistes pour les visiter à son tour. Guider le public, pour ne pas qu’il se perde, mais lui donner le maximum de pistes afin qu’il puisse suivre son chemin personnel dans ses régions éloignées. J’aurai sans doute l’air prétentieux ou illuminé mais, avec Centrifugue, il y a une envie de faire le boulot d’un shaman. Dont le totem serait la loutre 🙂
Et le shamanisme à la sauce Centrifugue, ca donne un joyeux foutoir où se mêlent journalisme, illustration et documentation, mes trois passions. Je dis foutoir car c’est la première impression qu’on peut avoir, tant j’aime passer d’un sujet à autre, partir dans tous les sens. Mais je devrais plutôt utiliser le mot complexe car, fidèle à ma devise, tout est lié sur ce site. Mes articles sont ainsi truffés de liens internes et construisent peu à peu une logique, toute personnelle. Et autant de pistes possibles pour le lecteur.
Quelles sont tes influences ?
Elles sont innombrables, donc c’est peine perdue de les recenser ici. Mais j’encourage le lecteur du Tryangle à se plonger dans mes grands dessins, je pense que ca lui donnera un bon aperçu, par exemple celui-ci. (voir ci-dessous)
Cela dit, pour ce qui est de Centrifugue, la principale influence est, je pense, Gotlib. Pour sa capacité, que ca soit en solo ou avec Goscinny, Alexis ou Mandrika, à partir dans tous les sens, traiter de n’importe quel sujet, comme dans la Rubrique-à-Brac ou les Dingodossiers. Ce type est un génie et, dans le même élan mégalomaniaque qui lui sied si bien, j’espère un jour être digne de lui !
Quand a-t-il été créé ?
Si mes souvenirs sont exacts, le premier article date de janvier 2010, donc cela va bientôt faire 3 ans que le site existe. Mais il faudrait que je remette un peu tout ca dans le contexte pour comprendre ma démarche : passé par une école de journalisme puis enchainant les contrats en presse écrite, j’ai toujours été frustré de ne pas pouvoir traiter les sujets qui m’intéressaient (car justement trop éloignés du centre). Jusqu’à ce que, lors d’un contrat à Lille en 2008-2009, je commencé à écrire pour les blogs BD et nouvelles technologies du journal. Et ca a été le déclic.
Pouvoir traiter n’importe quel sujet, sans tenir compte à tout prix de l’actualité, sans contrainte de place. Intégrer du son, de la vidéo, des liens hypertextes. M’occuper des illustrations. Je pouvais enfin faire du journalisme total 🙂
Et cet enthousiasme pour le support web ne s’est pas démenti depuis trois ans que dure Centrifugue, car je continue de tester de nouvelles formes journalistiques. Que ça soit de la curation, avec un boulot de recensement et de classement de sites et articles sur un sujet donné, ou des articles graphiques, qui permettent de mixer textes et illustrations.
Qui est derrière ce site ?
Assisté de mon fidèle camarade Xis qui s’est occupé de la partie technique, j’ai commencé seul mais je me suis peu à peu entouré de spécialistes qui sont, coïncidence, dans mon cercle d’amis. Je peux ainsi compter sur l’érudition hip-hopesque de Moyenman, les docteurs es trash-attitude Youen et Ston3r (bassiste de l’excellent groupe Betty Ford Clinic), le voyageur extra-dimensionnel John Malback ou le professeur Graznok, dont l’expertise en bwitologie (*) n’est plus à démontrer. Enfin je peux compter à l’occasion sur le maitre de l’occulte Baophrat et Franck, futur collaborateur de Skynet et inventeur du BBQcore. La porte reste cependant grande ouverte à d’autres sommités !
(*) Alors que la zoologie s’intéresse aux animaux, la bwitologie se consacre à l’étude des bêêêtes. Des animaux étranges et intrigants dont la particularité commune est de se déplacer en faisant “bwit bwit”
Pourrais-tu nous donner des exemples d’articles dont Centrifugue est particulièrement fier?
Encore une question à laquelle il est difficile de répondre car les articles de Centrifugue sont imbriqué les uns dans les autres. Ils peuvent bien sûr être lus de façon indépendante mais ce qui me plait avec ce site c’est de pouvoir passer d’un sujet à autre. Ne pas rester dans un domaine de spécialité. Ca risque de faire à nouveau décalé mais c’est une vision humaniste, comme celle que pouvais décrire Rabelais ou Montaigne. J’essaie d’en être le continuateur à ma manière.
Ceci dit je peux me dire fier de certains articles car ils ont, à ma connaissance, comblé un vide sur Internet. Je pense ainsi avoir fait un des boulots de curation et de description de l’univers des Beastie Boys les plus complets actuellement en français. Pareil pour le psychologue et “gourou du LSD” Timothy Leary. Passer de Pythagore à la cybernétique grâce à lui c’était passionnant. Même si ca m’a probablement retourné un peu la tête 🙂
Je pense également à l’article sur L’Oeil du Cyclone où j’ai pu, grâce à la gentillesse de Jérome Lefdup et Alain Burosse, retracer l’histoire de cette fabuleuse émission. Elle m’a permis, alors que j’étais à peine ado, de découvrir des pans de la contre ou pop-culture qui me passionnent toujours, et d’entrevoir ce qu’allait pouvoir m’offrir le net bien des années plus tard. Et pour tout ca je les en remercie énormément.
Et enfin, au risque de me passer plus que de raison la brosse à reluire, je ne peux oublier de causer un peu de mon autre marotte avec l’écriture : le dessin. Ca me trainait dans la tête depuis des années mais j’ai commencé depuis le début de l’année à combiner graphisme et journalisme pour créer des articles graphiques. Je tatonne encore mais que ca soit la carte heuristique sur le discordianisme ou la simili-affiche consacrée au catch et ses liens avec le cirque, j’ai eu beaucoup de plaisir à les réaliser. Et j’espère qu’elles pourront offrir aux gens une autre manière de s’informer, plus ludique, et qu’elles donneront des idées aux journalistes et blogueurs.
Centrifugue s’inscrit-il dans une communauté particulière sur internet, pratiquant la cocréation ?
A cette question je réponds d’emblée : Tirnanog. J’ai le privilège de faire partie de cette communauté d’esprits éclairés sur IRC et, si la plupart de nos discussions sont informelles, il y a une émulation certaine. Nombre de mes sujets ou dessins m’ont été inspirés grâce à eux et je les en remercie grandement.
Après, je fais partie de la communauté des blogueurs, la “blogosphère” comme on dit, pour la simple raison que j’écris sur le net à propos de choses qui me passionnent. Et ca fait un paquet de monde ! Alors on peut réduire cette communauté à la catégorie “sujets culturels étranges” mais même là le sentiment d’appartenir à un groupe est vraiment très vague. Sorti du “je t’ajoute en lien ami, tu fais de même” ou “je partage ton article”, c’est un peu le désert.
Mais c’est tout le paradoxe d’une communauté de passionnés. Chacun fait son truc dans son coin, avec amour, mais du coup on prend pas le temps de regarder ce que font les autres, ou du moins de s’en imprégner.
Personnellement, j’ai eu la chance, en bossant sur certains sujets, de croiser d’autres passionnés. Je pense notamment à mes interviews de Mike, un Américain qui animait All Go No Slow, une émission consacrée au punk-hardcore, et Micko qui diffuse chaque semaine en Australie (mais aussi sur le net) son émission Thematics Radio.
Je leur ai proposé à chacun, pour le fun, de les aider à faire une émission sur la musique française en leur sélectionnant des morceaux. Et tous deux ont accepté (La première émission n’est malheureusement plus disponible – ou alors au fond d’un de mes disques durs – mais vous pouvez écouter celle sur Thematics Radio ici )
Ca a été de très bons moments et c’est là que j’ai pu voir toute la magie du net. Un regroupement de compétence, un fonctionnement horizontal, et le tout à des milliers de kilomètres de distance, pour créer un nouvel artefact . Y a rien de nouveau car c’est de cette manière que fonctionnent les groupes de hackers (un peu de No one is innocent au passage ), mais je pense que les blogueurs devraient plus s’en inspirer. Il y a tellement de belles choses à créer de cette manière !
Tu es, toi-même, autant un rédacteur qu’un dessinateur prolixe. Le Tryangle ose même dire que tu as un très gros Flickr, Gwen.
Au risque de passer, à tort, pour un playboy des fonds marins, je dois bien avouer que ma galerie flickr a des dimensions peu communes. Mais je plaide l’obsession.
Cela va faire bientôt cinq ans que je mets en ligne mes dessins et, entre mes gribouillis et mon trip de restauration en vectoriel d’oeuvres d’art populaire, on doit plus être très loin des 2000. Mais c’est sans compter un projet inutile et grandiose lancé il y a environ deux ans : ma galerie d’images démentielles.
Depuis que je suis sur le net, j’ai pris pour habitude de collectionner des images, pour les intégrer à mes dessins, les refaire ou simplement parce qu’elles sont belles ou étonnantes (et, dans ce domaine, le site Au dela d’URL est plus que conseillé ).
Quand je me suis rendu compte que j’avais pas loin de 3000 images en stock, j’ai décidé, je ne sais encore trop pour quelle raison, de classer toutes ces images. Deux mois à tagger chacune d’entre elles, à les ranger par thèmes et à essayer, dans la mesure du possible, de retrouver d’où elles provenaient. Sans oublier d’ajouter un lien vers mes articles quand j’avais traité le sujet.
Cette galerie Flickr est du coup devenu à la fois un bric à brac de mes passions, une galerie d’art, une base documentaire, et une porte supplémentaire vers Centrifugue. Si vous avez donc des heures à perdre au boulot, n’hésitez pas à vous y balader !