La nouvelle est tombée le vendredi 29 août : l’ex-petite amie de Kim Jong-Un, leader maximo de Corée du Nord, aurait été fusillée pour une sextape. Selon le quotidien Sud-Coréen Chosun Ilbo, la jeune femme appelée Hyon Song-wol, aurait, avec une douzaine de ses collègues de la chorale “Unhasu Orchestra“, réalisé une sextape, par la suite commercialisée officieusement. Pris la main dans le sac, tous les participants auraient été fusillé. L’information paraîtra d’autant plus cruelle que la chanteuse avait, à son actif, des chansons très patriotiques comme “We are troops of the party” ( “Nous sommes les troupes du parti”), “Footsteps of soldiers,” (“Les pas de soldats”) et “I love Pyongyang” (“J’aime Pyongyang” ) (source).
Dès lors, on peut se demander à quoi peut bien ressembler une sextape d’une chanteuse patriotique de Corée de Nord ?
Sextape + Corée du Nord = WTF ?
Rien ne paraît plus éloigné des images que l’Occident reçoit de Corée du Nord qu’une “sextape”.
La Sextape est un outil de buzz dans un monde de Celebrité et de peoples : plusieurs carrières ont décollé grâce à quelques minutes de fellation verdâtre et mal cadrée, voir à ce sujet Paris Hilton, dont le chef d’oeuvre, 1 Night in Paris, ne nécessite plus de présentations. A l’image de celle de Kim Kardashian, les Sextape reprennent les codes du sexe amateur, dans lesquels la caméra est, plus qu’un élément technique censé disparaître et se contenter de capter la scène, un véritable objet érotique. Le Leak est aussi un point très important de la vie d’une sextape : faire diffuser plus ou moins discrètement la vidéo pour que les médias s’emparent du phénomène et que la machine à notoriété gratuite fonctionne à pleins tuyaux.
Attention cependant si vous avez été le/la conjont(e) d’un dictateur, comme Hyon. Fort loin des double-pénétrations, Hyon s’est fait connaître grâce à une chanson rurale intitulée : “A Girl in the Saddle of a Steed”, ou “Excellent Horse-Faced Lady”.
Peut-être ne connaissait-elle plus une renommée comparable ? La sextape aurait été une façon de se faire connaître d’un nouveau public ou, peut-être, une véritable volonté d’en finir, quand on connaît le climat de sévérité qui règne dans le pays, si dur à supporter qu’on a récemment appris que près de 50% de la population serait accro à la méthamphétamine. D’autant plus suicidaire que Kim Jong-Un a choisi sa femme dans la même chorale que celle de Hyon après leur séparation. Selon le Dailymail, sa nouvelle femme, Ri Sol-ju, pourrait même être à l’origine de l’exécution.
Le cadre paraît fort mal choisi pour une parti fine en webcam. En témoigne les chansons révolutionnaires suivantes :
Le Tryangle pourrait dire bien des choses sur l’esthétique toute en délicatesse du réalisme socialisme à la Coréenne, mais nous nous contenterons d’en apprécier silencieusement l’exotique élan socialiste. Comment peut-on passer de ça à une sextape ?
Comment donc une sextape se peut concevoir dans ce pays chamarrée ?
DIY Porn : Communist Revolution Sextape Vol. 1 ?
Grâce aux experts en recréation photo-imaginative du Tryangle, nous avons pu créer une reconstitution d’une sextape Nord-Coréenne. Le film s’appelle “Night in Pyongyang” et met en scène un dictateur en plein prêche, accompagné de deux vaillantes travailleuses de champs de betterave qu’il va gratifier de sa semence révolutionnaire, le tout dans un cadre bucolique et sur fond de musique militaire. Ci-dessous, une photo exclusive des préliminaires :
- Une jeune fille, appelée Petite Gloire de la Sidérurgie au Matin, en démonstration de polissage de l’acier.
En réalité, il y a fort à parier que le développement d’œuvres érotiques diffusées sous le manteau se fasse davantage sur le modèle chinois. Katrien Jacobs, professeure agrégée à l’Université Chinoise de Hong Kong a livré une étude fort intéressant sur la “Pornographie du peuple”, qualifié de porno amateur “Do It Yourself” (DIY). Un interview de cette dernière sur Global Voices, passionnante, donne à voir un autre stade de ce qu’il est convenu d’appeler “La guerre de la pornographie” perçue comme libératoire, de leur possible style et de leur rôle social.
Le Tryangle vous en livre un extrait, libre de droit :
GV: En tant qu’experte et chercheuse sur la pornographie amateur dans les sociétés occidentales, pouvez-vous comparer cette culture en Chine et en Occident ?
KJ : En Chine et à Hong Kong, il existe effectivement des gens qui mettent en ligne leurs propres vidéos et photos, notamment sur des sites dédiés tels que Pornotube, le Youtube de la pornographie. Ces sites sont ouverts à tous. Bien sûr, ceux qui habitent la Chine continentale n’ont pas accès à ces sites, et participer au mouvement DIY du porno reste compliqué pour beaucoup de gens. Cependant, on remarque que de plus en plus de jeunes commencent à réaliser leurs propres vidéos pornographiques dans des endroits secrets ou isolés, comme des salles de classe vides, des cabinets médicaux, des ascenseurs ou même des couloirs. Ce type de porno est vraiment “made in China”, et on le télécharge. Ainsi, je suis tombée sur de nombreuses compilations ou archives de ces vidéos hébergées par des sites divers. Il est certain que ce mouvement est très éparpillé, et on le qualifie aisément de juvénile. Mais je pense que c’est un signe de changement.
GV: Vous utilisez dans votre ouvrage le terme “libération érotique”. Qu’entendez-vous par là ?
KJ: Avant tout, je vois une libération dans le fait que les gens puissent avoir accès à la pornographie, et qu’ils puissent exprimer leurs identités culturelles et sexuelles à travers la pornographie. Ainsi, lorsque les jeunes réalisent des vidéos, le fait d’avoir des rapports sexuels quelque part, de se filmer, de le télécharger et de le partager alors que c’est totalement interdit en Chine leur donne un sentiment de grande puissance. Et cela se fait malgré les interdictions officielles. Il ne faudrait pas le considérer sérieusement comme une libération politique, puisqu’après tout ces gens ne font que s’amuser. Mais ils enfreignent la loi en agissant de façon impudente, en faisant ce qu’ils veulent sexuellement et en le partageant sur Internet. Leur excitation se nourrit de cette double rébellion contre la loi.
GV: Ont-ils conscience d’être subversifs dans leur façon d’afficher leur pornographie ?
KJ: Ceux que j’ai interviewés en Chine continentale étaient des internautes mais ce n’étaient pas nécessairement ceux qui téléchargeaient leurs vidéos. J’en ai également réalisé des entretiens dans des universités. C’est vraiment intéressant, ils ont tout à fait conscience de la guerre pornographique en Chine, savent que le gouvernement interdit, contrôle et utilise même la pornographie en vue de contrôler Internet. Pourtant, ils arrivent à trouver ce qu’ils cherchent en franchissant la “Grande Muraille” de la cybercensure et en partageant leurs sites secrets entre eux.
Une sextape de contestation pour l’ex-copine de Kim Jong-Un ? C’est une possibilité. En France, le Tryangle en met sa main à couper, si Ségolène Royal faisait une sextape, notre Flanby à nous serait bien plus magnanime <3