Jean-Luc Rivera est un érudit de l’imaginaire. Frappé du sceau des passions étranges, il m’a confié avoir commencé à se passionner pour les soucoupes volantes en tout genre à l’âge de 8 ans et demi, précocité notable, même pour un ufologue. Rédacteur en chef de la gazette Fortéenne, ouvrage annuel où se côtoient articles sur les OVNIS nazis, la bête du Gévaudan et un reportage sur un arbre anthropophage à Madagascar, Jean-Luc Rivera est aussi l’organisateur du Festival de Sèvres et un membre du jury du grand Prix de l’imaginaire.
Le Tryangle l’avait déjà rencontré pour parler de Charles Fort, figure tutélaire de la Gazette Fortéenne, mais nous avons souhaité lui poser quelques questions supplémentaires et le faire figurer dans notre série de rencontres avec les spécialistes du Weird.
Photographie de une par Karen Harroch du Boudoir Ecarlate
Tryangle – Pouvez-vous nous parler de votre trajectoire dans le domaine de l’imaginaire, celle qui vous a menée à Charles Fort aujourd’hui.
Jean-Luc Rivera – J’ai commencé très jeune. J’avais 8 ans et demi quand j’ai commencé à lire des ouvrages de science-fiction et des ouvrages sur les soucoupes volantes. C’est comme ça que j’ai commencé à découvrir certains phénomènes fortéens, entre autre dans les ouvrages de Jimmy Guieu, bien connu pour son passé ufologique, et qui était un grand amateur de Charles Fort. Je lisais aussi les ouvrages ufologiques du capitaine Ruppelt ou encore d’Aimé Michel. En lisant de la Science-Fiction, j’ai commencé avec Richard Bessière, j’ai lu le Matin des magiciens et la revue Planète lors de sa sortie, c’est grâce à cela que j’ai découvert Charles Fort, mais aussi Lovecraft, Howard, tous les grands ! Je suis quelque part un enfant de Planète car j’avais 11 ou 12 ans quand cela paraissait. J’ai lu Robert Charroux quand c’est sorti. Naturellement, j’ai découvert que le Livre des damnés avait été traduit en français, donc je l’ai acheté la première fois dans la collection Losfeld. Je n’ai pas compris grand chose au second degré de Fort, mais j’étais fasciné par le premier degré. Et puis j’ai continué à acheter, et comme, quand je m’intéresse à quelque chose, je suis un collectionneur compulsif, j’ai commencé à acheter tout ce que je trouvais. Et je n’ai jamais arrêté.
Qu’avez-vous fait ensuite ?
JLRV – J’ai été assez actif pendant mes années estudiantines, je faisais partie de tous les groupes ufologiques, français et anglais. Je me suis mis à voyager pas mal aux USA, puis j’y ai fait mes études. Je faisais partie des grands groupes ufologiques américains de l’époque. Là bas j’ai rencontré les grands ufologues et les grands fortéens américains, les gens comme Ted Bloecher, Isabelle Davis, des gens qui avaient commencé avant 1947. Pour les besoins de mon travail, j’ai beaucoup voyagé. Mais, quand je suis rentré en France, je me suis replongé dans la vie associative française, et je me suis aperçu qu’en dépit des années, personne ne connaissait Charles Fort et donc, c’est là, au sein de l’Association de l’Oeil du Sphinx que j’ai pu créer, grâce au soutien de Philippe Marlin qui m’avait donné carte blanche, la Gazette Fortéenne française ! On fait de tout, mais je n’accepte que des articles de fonds, quel que soit l’angle d’attaque. Ma consécration est d’avoir été aussi bien critiqué par l’Union Rationaliste qui trouvait la moitié des articles remarquables et l’autre moitié atroce que par les conspirationnistes qui avaient l’opinion inverse. Et là, je me suis dit, les deux parties sont désarçonnées : j’ai réussi mon pari !
Cela me fait penser à cette phrase de Charles Fort : l’idéal est de ne pas être un ardent croyant ou un sceptique complet, la vérité serait «somewhere in between».
JLRV – Tout à fait ! Mais ce n’est pas facile à tenir. D’ailleurs, pour cette raison, certains ufologues me considèrent comme un traître, alors que je ne suis pas non plus du côté de l’Union Rationaliste, qui se situe tout à fait de l’autre côté du spectre mais qui est tout aussi dogmatique que les plus dogmatiques partisans de l’hypothèse extraterrestre. Pour ma part, j’essaye d’être au milieu, je ne tiens rien pour acquis mais tout m’intéresse et tout me passionne !
Tentons le diable : y-a-t-il des choses étranges dans lesquels vous croyez vraiment, ou pour lesquels vous avez plus de preuves que de coutume ? A l’inverse, y-a-t-il des certaines affaires qui vous paraissent totalement sans fondement ?
JLRV – Il ne s’agit pas de “croire” mais de constater: il me semble qu’il existe des éléments très solides quant à l’existence de certaines facultés dites paranormales (télépathie, psychokinésie, prémonition), quant à certains animaux cryptozoologiques (animaux marins comme le requin géant ou une variété de serpent de mer, mokele mbembe, peut-être des hominidés comme le Bigfoot et l’almasty), un reliquat irréductible d’observations d’OVNI avec traces physiques ou photos inattaquables, les mutilations de bétail posent toujours problème. Il en va de même pour ces “miracles” que constituent les guérisons authentifiées à Lourdes, le suaire de Turin ou la tilma de Juan Diego. A l’inverse, le Triangle des Bermudes est une invention, les contactés soucoupiques vont d’escrocs patentés à personnes s’illusionnant, les chupacabras sont un ensemble aggloméré de phénomènes variés interprétés au travers des prismes culturels des différents pays concernés.
Quel regard portez-vous sur la vogue conspirationiste en France, avec la prégnance de plus en plus importante des thèse d’un David Icke que ce soit dans des émissions comme celle de Bob vous dit toute la Vérité ou, dans un style radical, l’association d’Alain Soral ?
JLRV – En ce qui concerne le conspirationnisme, je préfère ne rien dire car il s’agit là d’un phénomène de croyance au merveilleux, rétif à toute discussion rationnelle : si l’on veut croire aux reptiliens et autres aliens qui manoeuvreraient depuis des millénaires avec les Sumériens, la reine d’Angleterre et les Illuminati pour dominer la planète, très bien, cela m’attriste mais c’est dans la nature humaine que de chercher des boucs émissaires. Mais qu’il y ait de vrais complots et conspirations, dans des buts politiques et économiques, bien sûr, il y en a mais montés par des hommes dans des buts très terre à terre.
Pour vous procurer des numéros de la Gazette Fortéenne rendez-vous sur le site de l’Oeil du Sphinx.