Les Alchimistes sont des hackers comme les autres

Et si les Alchimistes étaient encore parmi nous ? Ces savants mystiques nourrissent encore notre mythologie et nos fantasmes scientifiques mais il est de notoriété publique qu’ils ont disparu, balayé par le progrès des techniques. Et pourtant…

On a du mal à y croire : pourquoi, à notre époque où tout semble possible, à l’ère des bidouilleurs, d’internet et des hackers, n’y auraient-ils pas des alchimistes, plus discrets que jamais, travaillant sans relâche dans leur laboratoire ? Les alchimistes seraient-ils alors semblables à nos “biohackers” contemporains ?

Le biohacking, ou biologie de garage, encourage tout un chacun à se poser des questions sur la nature et l’infiniment petit. Comme l’Alchimie, il plébiscite la pratique et l’accumulation des connaissances. Cherchez sur internet et vous trouverez des guides pour extraire votre ADN avec de l’eau et du savon, s’installer des aimants dans les doigts ou encore faire du yaourt fluorescent (Yogourt hacking) ! Dans un cadre si propice, pourquoi donc n’y aurait-il plus d’alchimistes ?

Et bien, il y en a, et il y en a beaucoup, et dans tous les pays. Désertant les bibliothèques, ces alchimistes cherchent et discutent désormais… sur le web, les forums et même Facebook. Le Tryangle est allé à leur rencontre.

Le Web Alchimique

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Exemple de requêtes prédictives sur Google

Le “Grand Oeuvre” n’est pas de ceux qui se dévoilent aisément. Les quatre alchimistes interrogés sur leur fréquentation du web ont surtout cité des sites de références universitaires, comme Google Scholar et Jstor et un grand nombre de sites que toute personne s’intéressant à des manuscrits anciens et à l’histoire se doit de citer. Pour Alexander Robert Jenner, alchimiste d’origine Suisse, c’est la raison pour laquelle les alchimistes ont si rapidement investi le web :

“Internet est un excellent outil, une merveilleuse ressource. Il s’agit principalement pour moi de chercher de la littérature ancienne, retrouver des manuscrits anciens qui sont aujourd’hui disponibles sous format numérique. Selon moi, c’est la meilleure manière !”

Pour autant, certains sites sortent du lot, notamment des banques de données alchimiques comme le site d’Adam Mc Lea, la Hermetic Library, mais aussi la collection privée de Manly Palmer Hall  et, la référence que tous les alchimistes ont chez, la RAMS (Restorers of Alchemical Manuscripts Society Digital Library :

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Un site de référence de l’Alchémosphère

L’une des références les plus pratiques est l’Alchemy Lab, qui donne une idée de l’aspect international de l’alchimie moderne, dont les différentes branches se sont aujourd’hui totalement rejointes, entre l’alchimie égyptienne, juive, européenne, musulmane mais aussi gnostique et mystique.

Pour une importante part, les sites d’alchimistes sont des sites personnels, par exemple celui de KC Wilkerson avec lequel le Tryangle a eu le plaisir de discuter, et Dennis Hauck, président de la guilde Nord-Américaine d’Alchimie qui utilise YouTube pour présenter son laboratoire. On notera en passant qu’il est rare pour un alchimiste de montrer son laboratoire :

Sur le site de Wilkerson, on trouvera même des notes de laboratoires et souvent des propositions pour des cours, Wilkerson enseignant l’alchimie. Grâce à internet, l’alchimiste est heureux de pouvoir consulter autant de références sans quitter son laboratoire. Pour autant, le Tryangle a eu beaucoup de difficultés à contacter les responsables de ces sites pour un échange par mail, ceux-ci répondant rarement aux sollicitations.

Prochain arrêt ? Les forums.

Les forums

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Un forum d’Alchimie

Si certains les détestent, d’autres les adorent : les forums alchimiques sont des lieux souvent difficiles d’accès pour qui n’a pas d’intentions alchimiques pures.

Au titre de ces forums, on citera notamment le forum de la librairie du merveilleux, le forum “Alchemy Forum” et le forum Art Chymique.

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La communauté alchimique se rapproche de celle de certains hackers, valorisant l’aspect cryptique et hermétique de leurs échanges et la partageant avec mesure et prudence. La tradition hermétique valorise davantage le labeur personnel du non-initié : ce n’est pas l’alchimie qui est la matière première du travail de l’alchimiste, mais l’alchimiste lui-même. Il n’a pas d’autres choix que de peiner pour espérer avancer sur le chemin difficile qu’il s’est choisi.

Ainsi, les forums occupent une place ambiguë : s’entraider n’est-il pas contradictoire lorsqu’on doit apprendre seul et faire des erreurs ?

Pour notre troisième alchimiste, Kyle, d’origine américaine, les forums sont un espace privilégié, en particulier pour celui qui n’a pas d’expérience de la pratique en laboratoire :

“Les alchimistes utilisent internet pour communiquer sur l’alchimie parce que c’est la manière la plus simple de partager ses résultats et les problèmes que l’on rencontre. De ce que j’ai pu apprendre, l’alchimie de laboratoire requiert un temps infini et est très délicate, on peut vite tout rater !”

Mais ce n’est pas l’avis de tous les alchimistes. Alexander Robert Jenner s’explique sur sa méfiance à l’égard des forums :

“J’évite le plus souvent les forums, les groupes Yahoo et ce genre de pages où se développent des discussions sur l’alchimie sans logique, ordre ou esprit critique. Fréquemment, dans ce genre de forums, des gens s’auto-proclament “maître incontesté” et répandent plus de mauvaises informations que de contenus utiles. Leur principal souci est de satisfaire leur ego et de libérer leur colère contre tout contradicteur […]

Mais le problème le plus important, c’est que l’entraide, le mode d’emploi et la facilité n’est pas nécessairement dans l’ADN de l’alchimie :

“Et on trouve beaucoup de forums de très mauvaise qualité. Je n’ai rien contre ces manifestations de liberté d’expression mais beaucoup de gens, parfois des gens de grande valeur, passent leur journée entière sur les différents forums d’alchimie, cherchant des recettes faciles […] Mon problème, c’est la méthode. Je pense que le vrai apprentissage passe par le travail dans le laboratoire et la collecte de résultats sérieux, au lieu de perdre son temps dans des discussions sans fin. Commencez un journal ou un blog, et rendez disponibles vos résultats, telle est la meilleure manière de faire, et je sais que beaucoup font les choses de façon honorable “.

Les forums alchimiques subissent donc eux aussi leurs trolls et leurs geeks intransigeants, même si le fact-checking est plus délicat. L’alchimiste, comme le dev, doit RTFM : Read The Fucking Manual. Sauf que les manuels d’alchimie sont codés, sont écrits en langue ancienne et restent difficiles à se procurer.

Pour le Tryangle qui voulait rencontrer des alchimistes désireux de discuter, les forums sont restés clos et les forumers silencieux. Il ne restait ainsi qu’une possibilité…

Les alchimistes sur facebook

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Le groupe Alchemy Study

De façon surprenante, c’est Facebook qui se révéla l’un des lieux les plus accessibles et les plus ouverts de discussions sur l’alchimie, notamment parce qu’il s’y trouve une majorité d’alchimistes américains. Nous avons ainsi intégré le groupe “Alchemy Study” qui compte à l’heure actuelle pas moins de 442 membres sur facebook et peut se targuer d’une très forte activité. Les alchimistes y partagent leurs découvertes et demandent conseil. Attention, cependant, les questions ne sont pas à la portée de tout le monde :

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Les apprentis partagent leurs résultats d’expériences, en paroles et en images :

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Ce partage donne aussi lieu a des encouragements, notamment sur les instruments d’expérimentations qui, même si certains sont les mêmes que ceux des chimistes, peuvent s’avérer difficile à trouver, notamment quand ils doivent prendre place dans un rituel :

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Aux Etats-Unis et ailleurs, certaines matières ou ingrédients restent très difficiles à trouver et le plus simple consiste à les commander. Facebook devient alors un lieu de promotion et d’échange pour des objets conçus par la communauté :

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Comme sur d’autres groupes, les alchimistes d’Alchemy Study commentent l’actualité. Ils font preuve d’une sensibilité particulière aux évènements concernants la chimie, les drogues et les laboratoires pharmaceutiques :

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L’esprit de communauté existe bel et bien, y compris à des niveaux plus humains et amicaux, où chacun va mettre en valeur sa fierté d’appartenance au groupe. Ici, un cas ponctuel de tatouage :

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Cependant, il y autant d’alchimie que d’alchimistes… ainsi, le groupe débat parfois de l’appartenance de certains membres. Des débats éclatent alors autour de la pertinence de certains posts sur le groupe, jugés hors-sujet. Ici, un membre du groupe affirme l’importance du christianisme pour l’alchimiste, ce qui n’est pas du goût de tout le monde :

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Car au-delà des expériences de laboratoire, l’alchimie a une influence même sur ceux qui ne disposent pas d’alambic. L’alchimie a ainsi d’innombrables applications différentes : écoles philosophiques, applications morales ou sexuelles sans oublier qu’elle implique une attitude par rapport à l’existence. Les membres d’Alchemy Study partagent ainsi des citations souvent centrées sur les secrets alchimiques et la recherche du Savoir :

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Le Tryangle ne prétend pas avoir fait le tour de l’Alchemosphère, bien au contraire. Immense, celle-ci échappe à la cartographie, tissant des liens avec la chimie, le Yoga, les conspirations, le New Age, plusieurs religions sans oublier des cultes et des sociétés plus confidentielles… Nous avons simplement cherché à y faire un tour et donner de la curiosité pour des individus qui, au XXIeme siècle, poursuivent une quête de sagesse anticonformiste dans un certain culte du Secret. L’art de l’alchimie et ses méthodes ressemblent en de nombreux points avec des courants ultra-modernes : biohacking et transhumanisme.

A l’ère du Tout-Partage et du travail collaboratif, le Tryangle reste fasciné par des individus qui valorisent la découverte individuelle et le Labeur de l’homme seul face à l’Inconnu.

La suite de cet article s’intéressera à nos 4 alchimistes : leurs histoires, leurs centre d’intérêt et surtout les raisons pour lesquelles ils se sont intéressé à l’alchimie.