Pferderipper : le zoophile qui éventrait des chevaux

Depuis le début des années 90, des chevaux mutilés sont retrouvés dans la région Nord-Est de l’Allemagne : le mode opératoire indique qu’il s’agirait d’un seul homme : le Pferderipper.

J’étais en 2013 à Avignon, dans la grande chapelle du Palais des Papes, devant l’œuvre de Berlinde de Bruyckere. Plus précisément devant We are all Flesh. Une carcasse de cheval sans yeux ni bouche, sans oreilles ni narines, sans sexe ni orifice quelconque — une carcasse de cheval suspendue par les jambes. J’étais stupéfié.

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À l’époque j’ignorais qu’on avait massacré des chevaux en série en Allemagne. J’ignorais l’existence du Pferderipper — de l’allemand pfede, chevaux, et de l’anglais ripper, éventreur.

LE PFERDERIPPER FRAPPE SANS DISTINCTION DE RACE, DE SEXE OU D’ÂGE

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Je rencontre pour la première fois le Pferderipper en 2014, à la lecture de 999 ans de serial killers — énième ouvrage criminologique de Stéphane Bourgoin — où l’on apprend qu’un « éventreur de chevaux » sévit en Allemagne depuis 1993. On dénombrerait plus d’une centaine de victimes. Mais les informations sont succinctes ; j’en veux davantage.

Une affaire criminelle pareille laisse forcément des traces ; je drague le marécage du web. Des cadavres équins remontent.

Un article dans Libération, du 5 juillet 1996, rapporte un fait divers qui semble lié :

« Deux poulains, deux juments, deux étalons abattus dans leur pré en pleine campagne de Saxe-Anhalt (ex-RDA) : près du village de Fienrode, la police allemande a découvert, dimanche, une horrible boucherie. Les parties génitales de l’un des étalons avaient été mutilées, les poulains, âgés de quatre semaines seulement, gisaient à côté, tous tués par balles. Trois jours plus tard, mercredi, la police hésitait encore sur la piste à remonter : celle d’un malade sexuel, d’une personne mue par la haine des animaux ou encore d’un ennemi intime de leur propriétaire. »

Le Pferderipper sévit donc dans le Nord-Est de l’Allemagne où, entre 1993 et 2000, 270 chevaux sont blessés et 80 assassinés. Il frappe sans distinction de race, de sexe ou d’âge. Diagnostiqué pervers sadique zoophile, il mutile les parties génitales des juments et des étalons avec une arme tranchante, sans doute une lance de sa fabrication. Il possède une connaissance du travail du métal, ainsi que des aptitudes vétérinaires, comme le prouve la laparotomie (ouverture chirurgicale de l’abdomen) qu’il pratique sur une jument en 2002. Frank Federau, porte-parole de la police régionale de l’État de Basse-Saxe, déclare :

« Il plante dans le corps des chevaux un objet en forme de lance, puis il leur découpe le ventre. Nous avons affaire à un seul homme, agissant la nuit ou le week-end dans des champs sans surveillance. »

Pour les profileurs, le meurtrier pourrait être collectionneur d’armes, chasseur et cavalier. Il est mobile et travaille la semaine. Il a entre 30 et 60 ans.

En 2003, la police avertit la population : le Pferderipper pourrait un jour s’attaquer à des êtres humains. En effet, selon de nombreux spécialistes, Robert K. Ressler en tête, les tueurs en série commencent souvent par torturer et tuer des animaux. Citons à titre d’exemple Thomas Lee Dillon (1950-2011). Dit le Sniper Killer, il a tué 5 hommes dans l’Ohio, entre avril 1989 et avril 1992. Il avouera plus tard avoir abattu plus de 1 000 animaux domestiques au cours de sa vie.

Enfin, en 2004, des citoyens et des associations offrent 120 500 € de récompense pour tout renseignement conduisant à l’arrestation du Pferderipper.

LE PFERDERIPPER, CETTE DOUBLE RARETÉ STATISTIQUE

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En draguant davantage le marécage à la recherche de sources plus récentes, je découvre, avec plus ou moins de scepticisme, que l’affaire du Pferderipper pourrait être symptomatique d’un problème de plus grande envergure : la zoophilie.

Cette pratique considérée comme une paraphilie serait plus répandue en Allemagne que dans le reste de l’Europe du fait de sa dépénalisation en 1969. La ZETA — association allemande de défense des droits des zoophiles — estime à 100 000 le nombre d’Allemands attirés sexuellement par des animaux.

En octobre 2012, un article sur le site la-spa.fr, sobrement intitulé « La zoophilie en Allemagne est bien réelle… et sa pratique n’est pas réprimée par la loi ! », mentionne le Pferderipper :

« L’éventreur de chevaux […] semait la terreur dans une province allemande il y a quelques années “en infligeant des blessures très graves aux parties génitales des juments avec une arme tranchante. Certains animaux ont dû être euthanasiés. Ce pervers prenait du plaisir sexuel dans la torture d’animaux”. »

Depuis la zoophilie a été interdite en Allemagne. S’il est impossible d’affirmer que sa dépénalisation en 1969 a favorisé l’émergence d’un monstre tel que le Pferderipper, l’appartenance de ce dernier à la communauté zoophile fait peu de doute, dans la mesure où les motivations des tueurs en série sont très majoritairement d’ordre sexuel.

Le Pferderipper est cette double rareté statistique : à l’échelle de la population mondiale, il appartient à l’infinitésimale catégorie des tueurs en série et à celle, très minoritaire, des zoophiles. Son règne criminel s’étend a minima sur une période de dix ans. Son identité est aussi mystérieuse que celle de Jack l’Éventreur et ses crimes incomparablement plus nombreux. Pourtant, et bien malgré l’abondance de la littérature criminologique, il n’existe aucun livre non-fictionnel à son sujet. C’est à peine si une page Wikipedia allemande l’évoque.

LE SILENCE DU PFERDERIPPER

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Depuis 2004, nous sommes sans nouvelle du Pferderipper. Toutes les sources citées ici sont vieilles de plus de dix ans — l’article de Stéphane Bourgoin, repris en 2013 dans 999 ans de serial killers, date de février 2004. Comme Jack l’Éventreur en son temps, il semblerait que le Pferderipper ait mis fin à ses atrocités subitement. Il pourrait avoir été emprisonné pour un autre crime. Il pourrait être trop âgé ; ou mort.

Mais l’ombre du Pferderipper ne m’a pas quitté, ni celle des œuvres de Berlinde de Bruyckere.

L’artiste belge n’a pas élu les chevaux par hasard. Elle a vu, dans des photos d’archives de la Première Guerre mondiale, leurs imposants cadavres mêlés à ceux des hommes aux abords des tranchées. Elle raconte : « La proportion humaine est trop limitée. Une guerre, et pas seulement la Première Guerre mondiale, implique des masses de gens et des masses de morts. En travaillant avec des chevaux, j’avais l’impression de mieux saisir cette vaste échelle. »

Cette raison explique la présence — étrange peut-être aux yeux de certains — de Berlinde de Bruyckere dans ce rapport d’un fait divers sordide. J’ai voulu faire saisir la vaste échelle des crimes du Pferderipper, au-delà de l’acte lui-même. J’aurais aussi bien pu utiliser les trop nombreuses photographies de chevaux mutilés qu’on trouve en tapant « pferder ripper » sur Google Image ; mais l’art montre l’horreur en préservant la décence.

Ces dernières années, les chevaux du Nord-Est de l’Allemagne avaient semble-t-il cessé d’apparaître dans la colonne faits-divers des journaux.

Malheureusement, en juin 2016, à Bredstedt, Allemagne, un tortionnaire a enfoncé une tige métallique dans le corps d’un hongre vieux de 7 ans. Cette attaque arrive deux semaines après l’euthanasie, à 12 kilomètres de là, d’un cheval de 4 ans qui a, lui aussi, été agressé.

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PRINCIPALES SOURCES

PHOTOGRAPHIES DES ŒUVRES
DE BERLINDE DE BRUYCKERE

I.
We are all Flesh, 2011-2012
Photo : DR | www.flickr.com

II.
K 21 (with detail), 2006
Horse skin, horse hair, epoxy resin, iron, wood, glass
193 x 177 x 96 cm
Photo : © All rights reserved – Saatchi Gallery | www.saatchigallery.com

III.
In the Flesh
Kunsthaus Graz, Graz, Austria, 15 February – 12 May 2013
Photo : Mirjam Devriendt | www.hauserwirth.com

IV.
Inside me, 2008-2010, 2010
Cast iron, horse skin, epoxy, iron, wood
328.7 x 244.5 x 126.5 cm / 129 3/8 x 96 1/4 x 49 3/4 in
Installation view, Hauser & Wirth Zürich, Switzerland, 2010
Photo : Stefan Altenburger Photography Zürich | www.hauserwirth.com

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Photo : DR | www.flickr.com