Ponyception : Chronique sur la chronique qui enflamme la Bronisphère

Le Tryangle aime analyser les communautés les plus étranges mais est-ce qu’elles aiment ça, elles ? Ca dépend.

Aujourd’hui, j’ai suivi les derniers développements d’un cas fort intéressant autour de la communauté Bronies et de la nouvelle chroniqueuse de l’émission “Comment ça va bien” de Stéphane Bern sur France 2 qui n’est autre que Dora Moutot, la tenancière de la Gazette du Mauvais Goût. Sa chronique a provoqué un raz-de-marée dans la communauté Bronies, et pour cause : c’est la première fois qu’on parlait d’eux à la télévision.

Stéphane Bern découvre les Bronies

My-Little-Pony-Friendship-is-Magic

Face à la chronique sur les Bronies, le présentateur et les invités se montrent très (très) moqueurs: de nombreux rires fusent, certains propos inexacts sont prononcés et l’une des personnes présentes en plateau se moque violemment des Bronies.

Bref, c’est le Broni-Scandale :

Rappelons d’abord qui sont – qui qui sont – les Bronies.

Les Bronies sont l’une des communautés les plus sensibles à la moquerie, et vous allez comprendre pourquoi. Selon l’excellent Urban Dictionnary, les Bronies sont les fans de la série My Little Poney : Friendship is Magic (attention, il ne s’agit pas de la série originelle, mais d’une autre version qui en découle). La chose n’aurait rien d’étonnant si les Bronies n’étaient pas, pour l’essentiel, des hommes entre 15 et 35 ans (NDLR : mais pas seulement, bien sûr). Et la communauté est présente dans de nombreux pays, discute des épisodes, écrit des fanfics (ici), débat, fait du cosplay, collectionne les produits dérivés, joue aux jeux de cartes ou de plateaux associés. Bref, tout ce qui fait une communauté typique autour d’un programme télévisuel. Pour en savoir plus, rendez-vous sur Wired.

Sauf que, bien sûr, c’est cocasse. Non seulement les Bronies ont une revendication au niveau du gender (pourquoi les petits garçons doivent-ils forcément jouer au soldat) mais aussi de l’ouverture d’esprit (pourquoi des jeunes hommes et des adultes ne pourraient pas s’éclater sur un show pour enfant, qu’ils perçoivent selon leur propre code ?). Ils se considèrent comme une communauté à part entière, qui doit être acceptée comme telle, car le “MLP” (My Little Poney) fait partie intégrante de leur identité.

Et, malheureusement – si je puis dire – les Bronies sont très à cheval sur leur image.

Rainbow+Dash.+I'm+a+brony

De plus, ils revendiquent la prérogative numéro 1 de toutes communautés : se plaindre. Face à leur première citation télé sur une chaîne publique, une véritable controverse est déclenchée. D’un côté, les partisans du hate mail, de l’autre, les petits malins qui souhaitent utiliser ce nouveau canal, et convaincre les personnes présentes sur le plateau de devenir leurs ambassadeurs de marque.

Oui, vous m’avez bien lu, les Bronies organisent leur action politique en Association. No Pasaran!

Flame War ou Opération Love ?

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Sur l’un des sites français les plus fréquentés par les Bronies, c’est la guerre. Vêtus de cagoules pseudonymiques, les Bronies vitupèrent. A ce sujet, je cite le message de Griffin Claw qui a décidé d’écrire, collaborativement, une lettre ouverte à France 2 :

Suite au reportage du 9 septembre sur France 2 dans l’émission “Comment ca va bien” présenté par Stephane Berne (voir la vidéo ici) à partir de 12 minutes 40, ou le sujet des bronies est abordé de manière très erroné.

Le fandom se limiterais aux garçons et au cosplays très moche, exit le fan art, les pmv et les fanfics “My little Dashie” en référence par exemple, exit les leçons que nous apporte le show et les différentes références inclus. Bref un reportage qui montre un coté assez cucul de notre communauté et nous fais passer pour des gens bizarre, un peu comme le furry si vous connaissez.

J’ai décidé d’envoyer une lettre ouverte à la rédaction de France 2 et je vous propose que nous la composons ensemble. La communauté c’est moi, c’est vous, c’est nous.

S’ensuit une discussion sur les détails de la-dite lettre, et la chronique France 2. Le moment considéré comme le plus choquant, et qui fut le plus blessant pour les Bronies, est la saillie de l’un des invités de l’émission qui a trouvé désopilant de dire “Si un Bronies s’approche de mes enfants, je lui en colle une”. Cette saillie crétine si très mal vécue par les Bronies, et paraît si violente qu’au fur et à mesure, son sens est modifié selon la sacrosainte loi du téléphone arabe  Bronies :

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L’une des forumeuses pointe le rapport avec le débat sur le mariage pour tous, soulignant que cet humoriste de troisième zone n’est pas “différent des homophobes”. (On fera aisément le lien entre les deux questions, effectivement). Force est de constater qu’une chronique plutôt anodine est vécue comme le prolongement de persécutions et de moqueries réelles sur les réseaux où être Bronies n’est pas toujours accepté.

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Pour un observateur des communautés, cette affaire est particulièrement précieuse car on y observe une communauté web au prise avec sa médiatisation : comment veulent-ils être perçus ? Que peuvent-ils raisonnablement exiger ? Comment combattre les idées reçues ? Ce qui est proprement passionnant pour quelqu’un qui étudie les communautés comme votre serviteur, c’est que l’on peut ici observer les Bronies en plein brainstorming sur les “façons d’être aimé et respecté”. Par exemple, l’un d’eux s’interroge sur l’agressivité de la lettre à envoyer :

C’est vrai que si on répond en nous plaignant, voire simplement en donnant de l’importance à ce qu’on dit de nous dans cette émission, ça n’améliorera pas la vision que les gens de là-bas ont des bronies (et encore, à supposer qu’ils lisent la lettre !).

La chroniqueuse, Dora Moutot, fait aussi l’objet d’un débat qui épluche chaque seconde de l’émission : a-t-elle bien présenté les Bronies ? Pour certains, la chronique n’est pas en cause, pour d’autres, c’est une catastrophe, notamment parce qu’elle a semblé commettre l’erreur suprême pour les Bronies, qui consiste à montrer MLP G1 et non MLPFIM G4 (sic) ! En français, cela signifie qu’elle a osé diffuser le générique de la toute première version de Mon Petit Poney alors que l’essentiel des Bronies vénère la 4eme version ou “génération”, beaucoup moins kitsch et beaucoup plus décalée (si j’ai bien compris). Résultat, la chroniqueuse doit se défendre sur les réseaux sociaux…. sauf contre les Bronies qui la défendent avec passion.

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Les Bronies ont de multiples canaux webradiophoniques, de Ponify à Everyponyradio en passant par son émule française Radio Brony. C’est sur cette dernière que l’analyse la plus longue et la plus poussée de la chronique a eu lieu. Dans une premier podcast, probablement enregistré par des Bronies sur Skype, le débat finit par s’orienter vers la défense de la chroniqueuse : elle a parlé des Bronies, les a défendus dans les limites offertes par la télévision et, surtout, elle a évoqué les BroniDays français, la première convention consacrée aux Bronies en France, et y a convié Stéphane Bern ! Les BroniDays vont être la première occasion de rassemblement des Bronies IRL, moment important pour tout groupe appelé à se structurer.

Cela dit, je vous laisse imaginer Stéphane Bern participer à une session Cosplay Bronies à l’aide de l’image suivante :

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Seulement voilà : comment réagir face aux journalistes qui vont probablement venir pointer leur nez au Bronidays ? Habituée au web, la communauté a le trac. L’un des Bronies précise bien que “si vous ne savez pas quoi dire“, un “sourire et dire bonjour, ça suffira“. Il ajoute qu’il ne faut surtout pas spammer les journalistes, surtout Dora Moutot qui semble en passe de devenir l’égerie des Bronies pour les avoir “si bien défendu seule contre tous”. En somme, le souci du chroniqueur de Radio Brony, c’est la respectabilité du mouvement. Dans un autre podcast, un chroniqueur sympathique défend même Stéphane Bern dont il dit apprécier les émissions (il est fan de secret d’Histoire) et “l’ouverture d’esprit(…). au point d’espérer que Bern vienne aux Bronidays et endosse le rôle d’ambassadeur des poneys à la télévision.

Poney Bern. Chiche ?

Moralité, avec de l’auto-dérision et l’esprit psychédélique qui les caractérisent, les Poneys pourraient bien tous nous convertir à leur monde onirique et plein d’arcs en ciel, envahir la France puis, qui sait, le monde ? D’ailleurs, il est grand temps que je trouve mon nom de Bronies <3 <3 <3