Pop Yoga est le livre idéal pour aborder l’univers de cet exégète de la culture pop’.
Vous y trouverez pêle-mêle Elvis, X-Files, la Bhagavad-Gita, Lost, la table d’émeraude, Amy Winehouse, les Beatles, Gainsbourg et même Dany Boon et Marion Cotillard ( just joking ). Car Pop Yoga, aux éditions Sonatine, est un recueil à dévorer par petits bouts, 42 textes plus ou moins courts publiés ou prononcés de 2002 à 2013 où tout le monde trouvera aisément ses idoles perso pour commencer le voyage dans 500 pages qui retournent la culture pop’ dans tout les sens.
Après avoir glosé sur la vrai-fausse mort de Paul McCartney dans Poppermost. Considérations sur la mort de Paul McCartney (2002), revu Lynch à la lumière de l’occultisme dans La main gauche de David Lynch. Twin Peaks et la fin de la télévision (2010) et expliqué Lost avec René Guénon dans Les mêmes yeux que Lost (2011), Pacôme Thiellement continue de balader son look de dandy Soufi dans le monde de la pop’, quitte à écraser quelques passants façon GTA:VI, édition Badhavad Gita. Dans Pop yoga, il y a une ambiance de cirque à la Sgt Peppers, des articles-fiesta où se croisent, stupéfaits, Polanski et Buffy. Le geek y est l’hériter des casuistes et des occultistes, le nerd, un revival de l’alchimiste qui cherche dans un coffret DVD ce que d’autres cherchaient dans un Athanor sulfureux, comme il le dit au micro de Bits, le nouveau geekshow d’Arte :
Je me suis souvent demandé à quoi pouvaient ressembler les exégètes des œuvres sacrées, […] à quoi ressemblaient les mystiques du Moyen-Age qui déliraient sur les textes sacrés, et j’ai toujours pensé qu’ils devaient ressembler à des geeks.
Pop Yoga se distingue des précédents ouvrages de l’auteur. En effet, en plus de la diversité des objets abordés, l’auteur y esquisse, pour la première fois, les contours d’une pratique dont ses précédents livres, et les 42 pièces du présent recueil, seraient le fruit : le Pop Yoga du titre, c’est-à-dire l’interprétation de la culture pop. Thiellement s’explique sur l’exégèse de la culture pop : pourquoi en livrer des interprétations ? Comment ? Ou encore – la question qui brûle les lèvres de beaucoup – à quoi bon ?
Avec Pop Yoga, il s’agit bien “d’exégèse” puisque c’est le mot que l’auteur emploie avec insistance, c’est-à-dire une “analyse interprétative des textes sacrés”. En parlant d’exégèse au lieu d’interprétation, on dit donc deux choses : l’analyse sera une proposition personnelle, d’une part, elle place l’objet étudié
dans le champ du sacré. Oui, oui, même Buffy… Jusqu’où peut-on aller ? Où vous voulez car, comme il nous le dit dans « La Pop et la Gnose », un texte de 2008, pour les “vrais poètes”, “toute interprétation est finalement, fatalement, adéquate”. Si toute exégèse est adéquate, c’est parce qu’il s’agit non d’expliquer mais de s’orienter. De faire moins une critique qu’une auto-critique car “nous sommes perdus”, écrit-il, “admettons-le, si nous regardons Lost, c’est que nous estimons que nous sommes perdus […] Nous avons besoin de quelqu’un qui nous dise ce que doit faire maintenant” :
Les personnages de Lost sont tous perdus. Mais ils auront une île pour se connaître. L’île, c’est ce qui leur permet d’interpréter leur vie et ainsi de déployer leur véritable potentiel. L’île, c’est le lieu de leur exil et de leur orientation. Nous, n’avons pas d’île ; nous avons seulement la série; mais cette série fera office d’île dans notre vie. C’est pourquoi elle se donne immédiatement comme matière à exégèse.
Le Pop Yoga est une pratique de libre réinterprétation et de réappropriation des images de la culture qui est la nôtre. Parfois façon relaxation, parfois façon self-défense comme ici, dans “Télévision et Occultisme”, où l’auteur écrit qu’il est “urgent de mettre en place une pratique de sorcier”. Sorcellerie ? Il la décrit ainsi : “regarder l’image empoisonnée pour comprendre ce qui la compose, pour la décomposer, pour y retrouver les éléments de fabrication”. L’enjeu ? Notre âme, tout simplement. Et, malheureusement, s’il y a dans Pop Yoga un début de “guide” pour l’homo popus modernus, pas de thérapie en vue pour la souffrance qui se révèle à travers un monde sans repères. Au final, nous vivons sur une planète qui “ne peut plus produire, en termes d’individus lucides, que deux types d’hommes : ceux qui, tel Hamlet, sont rendus fous par un excès de conscience ou bien, à l’instar du président Schreber, ceux qu’un excès de conformation aux voix a socialement aliénés”.
En sommes, comme il l’écrit dans un manifeste récemment publié dans les Cahiers du cinéma, c’est la Pop ou la mort.
Un livre-concept pour les Pop Yogis du futur
Bien sûr, c’est long ! Près de 500 pages, et Pacôme Thiellement n’explique pas toujours ses références. Pourtant, qu’est-ce que c’est bon ! Ce guide déroutant ne se prive pas de présenter, d’expliquer, de raconter, et se laisse lire dans le plus complet désordre. L’auteur de ces lignes peut le certifier, et pour cause : il a commencé par lire “L’hypothèse extraterrestre“. Et oui, c’est le Tryangle ici, non mais…