Le président Valérie Giscard d’Estaing prouvant son savoir-vivre avec des citoyens Aliens.
Auteur de science-fiction, Laurent Genefort connaît son sujet. Auteur de plus d’une trentaine de roman, c’est un homme poli qui accorde à chacun un regard bienveillant et est aussi bien connu pour ses oeuvres comme le célèbre Omale (2001) que pour ses manières de table. Avec Aliens : Mode d’emploi aux éditions du Belial, le galant homme décide de doter le monde d’un livre de référence pour répondre à la question du savoir-vivre en cas d’invasion alien. Une vrai question qu’on ne se pose pas.
La politesse en cas d’invasion
Théodore B. : Bonjour, je me suis procuré votre ouvrage de salut public. Quelles sont, selon vous, les chances que celui-ci nous soit utile dans les 100 ou 200 prochaines années ?
Laurent Genefort : Bonjour. Les chances que le guide soit utile ne sont pas nulles, quoique difficiles à estimer pour un esprit humain (une sur racine carrée de moins deux, en gros).
Si vous le pensez, êtes-vous favorable à l’introduction de ces questions de savoir-vivre en cas de rencontre extra-terrestre dans le programme de l’Education Nationale ?
Tels que je me les rappelle, les manuels scolaires de mon enfance ont probablement été conçus par des extraterrestres. Ce serait donc un juste retour des choses.
Certains alienophobes ont reproché à votre ouvrage de ne pas aborder suffisamment la question d’une guerre contre les aliens, comme le fait par exemple Max Brooks dans son ouvrage “Guide de survie en cas d’invasion Zombie”. Pourquoi le choix de la politesse ?
Pour plaire à l’alien qui se tapit en moi, tout simplement. Je n’aimerais pas que cet alien se prenne une balle avant même d’avoir pu prouver la pureté de ses intentions (bon, même si ma part d’alien souhaite parfois la disparition du genre humain, en particulier durant les fêtes de Noël). Mon point de départ était une constatation : la plupart des œuvres de SF ont pour objet de dégager les aliens de notre belle planète ; du coup, des sujets aussi importants que : “peut-on faire des affaires avec un alien”, “que faire quand un alien s’installe à côté de chez moi et m’invite à boire une bière” ou “comment présenter ma compagne alien à mes parents” ne sont presque jamais abordés. C’était dommage, ce rétrécissement du thème. C’est ce qui m’a donné envie d’écrire ce guide.
Guide de savoir-vivre avec l’envahisseurs-amis
Quelles sont, pour en donner une idée à nos lecteurs, les règles élémentaires de bienséance lors d’une rencontre avec un alien ?
Rencontrer un alien, c’est d’abord un état d’esprit : être ouvert à l’altérité, songer que l’on peut paraître soi-même bizarre, peut-être répugnant, voire dangereux. Les précautions sont dictées par le bon sens : garder une distance de sécurité, pour vous comme pour l’alien, éviter de hurler et de gesticuler. Garder si possible les bras le long du corps. Présentez-vous dans votre langue : l’alien la parle peut-être s’il est sur Terre depuis un certain temps. Etc.
(Il est néanmoins excusable de débiter un alien à la hache si ce dernier vous déclare tout de go qu’il travaille à la Bourse. Alien ou pas, un trader reste un trader.)
Lorsque je dîne avec mon ami Pierre Pichon, j’ai parfois du mal à supporter ses manières de tables. Comment un homme du monde, comme moi, pourrait bien supporter un hôte tentaculaire à ma table ? Puis-je leur servir de la ratatouille ?
La politesse ultime consisterait à emprunter les us de votre hôte. Mais cela peut se révéler parfois périlleux (quand certaines espèces se nourrissent de parties de leur propre corps, par exemple). Certains aliens sont un peu gauches : n’hésitez pas à porter un tablier. Pour un hôte à tentacules, il est préférable de ne pas lui imposer fourchette et couteau, trop malaisés à utiliser. Concernant la nourriture, faites-lui d’abord renifler et goûter les plats. Evitez le vin et les liqueurs, l’alcool peut être un poison violent chez certaines espèces (si si) ; préférez l’eau, seule boisson réellement universelle.
Si votre convive extraterrestre n’aime rien, il vous reste la possibilité de lui servir Pierre Pichon.
Madame de Rotschild fait-elle partie des inspirations de votre mode d’emploi ?
Nadine de Rothschild est une alien très bien implantée dans notre pays, je pense que ce n’est plus un secret pour personne aujourd’hui. Elle avait pour tâche de préparer l’humanité à la rencontre avec les aliens – ses conseils pour recevoir le pape à sa table étant une subtile métaphore.
En quelque mot, est-il possible de faire la cour à des extraterrestres ?
Naturellement. Les bonnes manières ont été inventées pour ça, non ? Des précautions s’imposent néanmoins, car les aliens possèdent une biochimie différente. Par exemple, le pollen des fleurs a la fâcheuse tendance à faire exploser certains extraterrestres qui les respirent. Il convient alors de ne pas leur offrir de bouquet. L’amour a des raisons que la biosphère ne connaît pas…
Tous les Aliens se valent-ils ?
A lire votre excellent mode d’emploi, on a l’impression que la politesse et le savoir-vivre pourrait non seulement permettre de gérer des situations aussi délicates que celles que vous décrivez, mais aussi améliorer la situation sur terre aujourd’hui. Qu’en pensez-vous ?
On remarque en effet un certain manque de savoir-vivre entre Israëliens et Palestiniens… Dans notre monde globalisé, l’attrait de l’exotisme, la beauté de la différence se sont singulièrement affadis. Rechercher des points de convergence entre les communautés est certes louables ; mais rappeler que les points de divergence sont assurément un enrichissement et peut-être même une voie de salut, c’est pas mal non plus – c’est en tout cas le message que diffuse le guide, mine de rien.
Pour terminer, et cela restera entre nous, pensez-vous que certains aliens soient plus faciles à intégrer que d’autres ?
Oui, bien sûr, ne faisons pas d’angélisme. La littérature de science-fiction nous a appris qu’en tout alien, il y a un humain qui sommeille. Ceux du cinéma, en revanche, se révèlent généralement moins fréquentables, les seuls humains que l’on puisse trouver dans lesdits aliens étant des figurants…