Tout le monde le connaît – mais il est préférable d’éviter d’évoquer l’un de ses noms en public. Comment les gens appellent-ils Satan lorsqu’ils sont seuls face à leur ordinateur ?

Je vous arrête tout de suite, cet article n’a aucune prétention scientifique ou même Data-Journalistique. Il ne s’agit ici que de rudiment d’internetomancie pour dégager quelques grandes tendances de l’image du diable sur internet. Comment ? En analysant les différents noms utilisés pour l’invoquer sur Google : quelles dénominations les internautes utilisent-ils lorsqu’ils font des recherches sur le diable – ou contenant un des noms du diable ?

A force de tout confier à la toile, toute personne y voyageant peut désormais découvrir, facilement, des parcelles d’inconscient collectif – comme si l’humanité entière partageait désormais un même rêve. Pour réaliser cette analyse, deux outils en libre accès :

• Google Trends, qui permet de peser la fréquence de certaines requêtes, ainsi que des requêtes associées
• Google Image, qui permet de se faire une idée de l’univers mental global autour d’un mot, exploration de l’inconscient collectif

J’avais déjà réalisé un tel exercice au sujet du paradis, tâchons de passer Lucifer/Satan/Belzébuth à la même moulinette.

Résultat de recherche global

Au niveau global, avec des termes plutôt anglophones, nous obtenons ce résultat. J’ai écarté le mot “Devil” qui, sinon, écrase complètement le graphique tant il représente la majeure partie des requêtes. Les pays les plus proactifs dans les recherches sont le plus souvent des pays d’Afriques, d’Amérique du Sud et d’Asie : Nigéria et Ghana (Satan), Haïti, Indonésie et Paraguay (Lucifer), Ghana et Kenya (Antichrist) tandis que Sheitan est surtout recherché en France et en Belgique.

Du côté des recherches associés, nous allons utilisés à la fois Google Trends et Google image pour explorer l’univers mental autour des différentes dénominations. Pour Satan, les recherches associées portent surtout sur le satanisme lui-même avec la “Satan Church” et la “Satan Bible” en tête, mais aussi la culture métal. La recherche donne des résultats sensiblement similaire, à dominante rouge, avec le mot “devil”, très axés sur le satanisme, y compris avec une imagerie empreinte de guerre et de recrutement ( “I need you to fight for the devil” ) :

Avec le mot Lucifer, l’univers est très différent, plus mythologique. Les gravures représentant l’ange déchu sont mélangées à des images d’anges pures. Lucifer n’y est plus rouge, mais obscur :

Avec le mot “Antichrist“, le registre change encore, entre images de groupes de Heavy Metal, du film éponyme de Lars Van Trier mais, plus souvent, de candidats au poste. On retrouve cela dans les recherches associés, “Obama antichrist” ou “Obama is the antichrist” :

A noter, de fréquentes suggestions de recherches associés entre les noms de Satan et “Illuminati”. Un vrai signe des temps.

En France

L’évolution de la notoriété des noms de Satan en France place, sans surprise, le nom générique “diable” loin devant, talonné par “Satan”. Par contre, “Sheitan” apparaît dès 2006 grâce au film éponyme et rivalise de popularité avec “Lucifer”. Un pic globale est à noter à partir de 2011, une mode du diable ? Un dommage collatéral du retour du religieux ? En France aussi, le retour de la mode des films d’exorcisme rend le diable plus présent et, dans les Yvelines, onze personnes se défenestrent après avoir cru voir le diable, comme le rapporte le Parisien.

En France, la répartition régionale des noms du diable n’étonnera pas les connaisseurs. Bien sûr, le taux de recherche devrait être mis en regard de la densité de population et du taux d’équipement informatique mais, comme vous le savez déjà fort bien, je ne suis pas un homme très sérieux. Simple constatation : si c’est en Ile-de-France qu’on dénombre le plus grand nombre de recherche du mot “Satan”, c’est aussi la région la plus active sur le mot “Sheitan”. Google Trends ne précise pas le poids de la Seine Saint-Denis dans ces résultats. Fait intéressant, sur la dénomination “Lucifer”, c’est l’Aquitaine, la Lorraine et la région PACA qui l’emporte.

Du côté des recherches associées, c’est tout aussi amusant :

• Satan est principalement associé au 666 biblique, mais aussi au Bolet Satan, une espèce de champignon basidiomycète toxique et rare de la famille des Boletaceae
• Lucifier, lui, fait ressortir le clip de l’album éponyme du groupe Sud-Koréen Shinee, une sorte de version asiatique de Tokyo Hotel.
• Diable, quant à lui, évoque surtout les vente privée, “vente diable” ou “vente du diable”. A la rigueur le “diable au corps”.
• Les recherches autour du mot Sheitan sont cannibalisé par le film de 2006.