“Une lecture amusante est aussi utile à la santé que l’exercice du corps”
Emmanuel Kant
Méfiez-vous des livres. Depuis qu’elle a quitté l’analphabétisme dans lequel on l’avait prudemment plongée, cette étrange créature qu’est la femme garde toujours dans son sac ce symbole de son émancipation. Ainsi, le TRYANGLE enquête sur le plaisir féminin de la lecture pour répondre, une fois pour toute, à cette question : votre femme vous trompe-t-elle avec un livre ?
Le livre, cet objet sexuel
Commençons cette enquête par le début : la “lectrice” est un sujet adoré des peintres et des dessinateurs depuis le Moyen Age, et plus encore les maîtres du XIXeme : «Delacroix, Doré, Corot, Monet et Manet, Renoir, Van Gogh et Toulouse-Lautrec» énumère Fritz Nies dans son étude de l’iconographie de la «femme lectrice» dont sont tirées les illustrations du présent article.
Mais attention – au départ – le lecteur primait sur la lectrice. Au contraire, celle-ci est même «bibliophobe» : de milieu bourgeois et lisant bien moins que son mari, elle vit le livre comme un intrus déplaisant, nuisant à la conversation. Le bonne bourgeoise se montre même jalouse du livre “non pour ce qu’ils ajoutent à nos passions, mais pour ce qu’ils en ôtent” disent-elles, sous la plume de Pierre-Jules Hertzel dans Le Diable à Paris.
Ainsi, à l’époque, le livre était déjà l’ennemi du devoir conjugal – vous le noterez en observant les illustrations suivantes :
Bourgeois (à gauche) négligeant son épouse
Bourgeoise (à gauche) rappelant son devoir conjugal à un époux distrait.
Mais le TRYANGLE ignore ce qui a pu pousser la femme à s’emparer du livre et il restera (à tout jamais) impossible de reconstituer l’instant zéro de la chute de cette divine créature dans les méandres de la littérature. Pourtant, le mal est fait et il est marqué par ses origines : le livre était entre les jambes de son mari. Qu’en déduire ? Et bien… que le livre est, jusqu’à aujourd’hui, un substitut sexuel, bien entendu !
Comment expliquer autrement que la femme soit toujours représentée dans un rapport sensuel au livre, comme l’explique Fritz Nies :
La position assise est celle que nous rencontrons le plus fréquemment pour les hommes comme pour les femmes. Mais tandis que le lecteur n’est presque jamais allongé, les documents montrent par douzaines des lectrices mollement étendues, parfois les jambes écartées, que ce soit à la maison ou en plein air.
En témoigne ces accablantes illustrations d’époque où l’on découvre la femme suavement acoquinée à ses romans :
Nul ne fera l’offense aux lecteurs du Tryangle de leur présenter l’image de Madame Bovary, la fameuse bibliovore du roman éponyme de Flaubert, et dont la lecture nourrit les fantasmes et la sensualité au point de lui rendre ses amants décevants. Depuis, ce goût pour une lecture sensuelle ne s’est pas démentie. En témoigne l’existence d’un Tumblr qui y encourage les femmes : womenreading.tumblr.com.
Le Tryangle s’interroge : cette tendance à la lecture se confirme-t-elle aujourd’hui ? Et, surtout, qu’est-ce que la femme cache derrière cette soit-disant innocente passion du livre ?
Des chiffres accablants
Selon un sondage commandé par la SNCF en 1994, si 70% hommes consacrent leur temps de transport à la lecture du journal, 69% des femmes en profitent pour lire un roman ! Dans cet article de l’Express, on apprend que 70% des clients de la collection Librio sont des femmes, et l’article ajoute :
[Les femmes lisent] plus que les hommes. Le phénomène est récent puisque, selon l’enquête réalisée de 1973 à 1989 par le ministère de la Culture sur les Pratiques culturelles des Français, la féminisation du lectorat constitue, avec son vieillissement, le phénomène majeur de ces dernières années. […] si, en 1973, les lectrices étaient encore moins nombreuses que les lecteurs, elles sont, quinze ans plus tard, 76% à lire au moins un livre par an (contre seulement 73% de ces messieurs), 23% à en lire plus de vingt-cinq (contre 22%), 18% à fréquenter au moins une fois par mois une bibliothèque (contre 13%).
Pire encore, les femmes sont 66% à lire le soir avant de s’endormir. Autrement dit, pendant ce laps de temps qui correspond, traditionnellement, à son devoir conjugal. La méfiance est de mise, ami mâle. Et le Tryangle poursuit son enquête. La femme prendrait-elle trop de plaisir à lire ?
Le plaisir de lire chez la femme
Tapi pendant des heures dans les profondeurs du web-interactif, le Tryangle a réussi à trouver une preuve irréfutable de la jouissance libriophile féminine. Ces vidéos accablantes sont l’oeuvre du photographe Clayton Cubitt, dont le nom annonce déjà la perversité. Avec “Hysterical Literature”, il a réussi à surprendre des femmes en pleine acte de lecture, dans leur environnement naturel. Prétendant avoir cherché à capter l’érotisme de l’orgasme en insérant un vibromasseur à l’endroit prévu à cet effet, Carlton Cubitt a, en réalité, capté une femme en pleine session d’auto-érotisme libriophile.
Regardez plutôt cette femme qui ne peut plus contrôler son plaisir de lecture au bout d’à peine 5 minutes :
C’est d’autant plus accablant que peu d’hommes peuvent faire parvenir une femme à l’orgasme en moins de 5 minutes. «Je suis très intéressé par les relations entre l’esprit et le corps», explique à Libération Clayton Cubitt, inconscient d’avoir capté dans cette séquence ce qui pourrait causer la chute du genre masculin. Certains prétendront que l’orgasme ici-présent relève davantage du vibromasseur que du livre. Mais, en vérité, je vous le demande : qu’est-ce qui nous le prouve ? D’autres vidéos sont disponibles sur la toile et témoigne d’un plaisir de lecture disproportionné (d’autres preuves autrement dit).
En somme, la découverte de cette nouvelle zone érogène chez la femme fait de l’homme un cocu naturel de l’imaginaire féminin. Scandale ? La solution est-elle, pour l’homme, de communiquer avec sa femme par le biais de l’écriture romanesque ou lui faut-il chercher dans quelque pays épargné par la civilisation de douces et compréhensives analphabètes à aimer tendrement ? Le TRYANGLE le constate cependant. Le sexe de l’homme ne vaut plus rien désormais face à la tyrannie de l’ultime sex toy, de l’anté-pénultième outil du plaisir féminin : le roman.